Biographie

Jean-Paul Sartre, un philosophe engagé du XXe siècle

 

Jean-Paul Sartre n'était pas un penseur ennuyeux. Par exemple, en 1964, il refuse le prix Nobel de littérature, un des plus grands honneurs pour un écrivain. Pourquoi refuser un tel prix ? Sartre voulait garder sa liberté et son indépendance : selon lui, « aucun homme ne mérite d'être consacré de son vivant ». Il expliquera plus tard que s'il avait accepté le Nobel, il aurait été « récupéré » par le système, ce qu'il refusait. Cet esprit libre illustre bien la vie passionnante de Sartre, l'un des intellectuels français les plus importants du XXe siècle.

 

Jean-Paul Sartre est né le 21 juin 1905 à Paris et il est mort le 15 avril 1980, également à Paris. Il a donc vécu 74 ans. C'était un philosophe existentialiste et un écrivain prolifique (il a écrit des romans, des pièces de théâtre, des essais philosophiques…). Il a marqué la vie intellectuelle et politique en France après la Seconde Guerre mondiale, de 1945 jusqu'à la fin des années 1970. Adolescent, Jean-Paul Sartre aime déjà la littérature. Il fait de brillantes études de philosophie et obtient le concours d'agrégation en 1929 (il est reçu premier, juste avant une certaine Simone de Beauvoir qui est deuxième). Sartre et Simone de Beauvoir se rencontrent justement cette année-là et commencent une relation qui durera toute leur vie. Il a partagé sa vie avec Simone de Beauvoir – elle-même philosophe et féministe – et ensemble ils ont formé un couple célèbre du XXe siècle. Fait rare pour l'époque, ils ne se sont jamais mariés et ont choisi de vivre une relation « libre », en accordant beaucoup d'importance à l'indépendance de chacun. Ils voyageaient, écrivaient et réfléchissaient ensemble, devenant un symbole de couple d'intellectuels engagés.

 

En 1938, Sartre publie son premier roman, La Nausée, qui connaît un grand succès. Ce roman, à la première personne, raconte le malaise profond d'un homme qui ressent l'absurdité de l'existence. Ce thème de l'absurde et du sens de la vie est central chez Sartre. Pendant la Seconde Guerre mondiale, Sartre est mobilisé comme soldat en 1939. Il est fait prisonnier par les Allemands en 1940, puis libéré un an plus tard. L'Occupation allemande en France va marquer Sartre : il entre dans la Résistance (un mouvement secret qui luttait contre l'occupant nazi) et continue d'écrire des pièces de théâtre. En 1944, sa pièce Huis Clos (jouée à Paris alors que la guerre n'est pas terminée) présente trois personnages bloqués pour l'éternité dans une même salle – c'est dans cette pièce que Sartre écrit la célèbre phrase « L'enfer, c'est les autres », prononcée par l'un des personnages. Par cette phrase provocante, il veut montrer que nos relations avec autrui peuvent être difficiles et nous faire souffrir, comme un enfer. Après la Libération de la France en 1944, Sartre devient connu internationalement. Il donne des conférences pour expliquer sa philosophie. En 1945, il publie un court essai intitulé L'existentialisme est un humanisme, dans lequel il présente les idées principales de l'existentialisme de manière simple.

 

Sartre est considéré comme le principal représentant de la philosophie existentialiste. Mais qu'est-ce que l'existentialisme ? En quelques mots, Sartre affirme que « l'existence précède l'essence ». Dit autrement, cela signifie qu'il n'y a pas de destin ou de nature prédéfinie pour l'être humain : d'abord nous existons, et c'est ensuite à chacun de donner un sens à sa vie par ses propres actions et choix. Pour Sartre, nous sommes tous fondamentalement libres et entièrement responsables de nos actes. Il n'y a pas de « plan » écrit à l'avance par Dieu ou par la société : c'est à chaque personne de se définir elle-même. Cette idée peut sembler enthousiasmante (car elle rend chacun libre de se réaliser) mais aussi un peu effrayante, car si nous sommes libres, nous ne pouvons pas rejeter la faute de nos échecs sur quelqu'un d'autre. Sartre explore ces thèmes philosophiques dans son grand ouvrage théorique L'Être et le Néant (1943), mais aussi à travers la littérature (romans et pièces) afin de toucher un plus large public. Beaucoup de jeunes de l'après-guerre se passionnent pour l'existentialisme, en partie grâce à Sartre. On les voyait discuter dans les cafés de Saint-Germain-des-Prés à Paris. Sartre, avec Simone de Beauvoir et d'autres amis comme Albert Camus ou Boris Vian, fréquentait ces cafés et incarnait l'image de l'intellectuel de la Rive Gauche (le quartier parisien des artistes et écrivains).

 

Un aspect très important de Sartre est son engagement politique. Pour lui, un écrivain doit « prendre position » dans la société : il parle alors de littérature engagée. Sartre a toujours essayé d'être fidèle à ses idées et à défendre la justice, quitte à créer des controverses. Par exemple, il s'est opposé fermement au colonialisme. Dans les années 1950, il soutient les peuples qui veulent leur indépendance, comme le peuple algérien pendant la guerre d'Algérie (1954-1962). À cause de ses prises de position, il s'est fait autant d'admirateurs que d'ennemis : durant cette période, certains extrémistes tentent même de l'intimider (son appartement parisien a été visé par des attaques à l'explosif à plusieurs reprises, sans le blesser). Mais Sartre ne cède pas à la peur et continue à défendre ses convictions. En 1960, il publie Critique de la raison dialectique, une œuvre philosophique témoignant de son intérêt pour le marxisme. Il n'adhère pas pour autant au Parti communiste, car il tient à garder son indépendance de pensée. En Mai 1968, lors des grandes manifestations étudiantes et ouvrières en France, Sartre soutient activement les étudiants révoltés. Il vend même le journal révolutionnaire La Cause du Peuple dans la rue. À cette occasion, il est arrêté par la police, mais le président de Gaulle ordonne de le relâcher immédiatement en déclarant : « On n'arrête pas Voltaire. » Par cette phrase, le chef de l'État reconnaissait ironiquement la stature intellectuelle de Sartre (comparable à Voltaire, grand philosophe historique) et comprenait qu'emprisonner Sartre provoquerait un scandale.

 

Même vers la fin de sa vie, Sartre reste un esprit rebelle. En 1974, il a près de 69 ans et pourtant il va accomplir un geste étonnant : il rend visite à Andreas Baader, un criminel politique emprisonné en Allemagne, pour s'informer de ses conditions de détention. Baader était le chef de la Fraction Armée Rouge (RAF), un groupe révolutionnaire d'extrême-gauche en Allemagne de l'Ouest. Cette visite de Sartre en prison, largement médiatisée, a lieu en décembre 1974. Elle fait polémique : beaucoup de gens sont choqués qu'un philosophe français célèbre rencontre un homme considéré comme un terroriste. Mais Sartre explique qu'il l'a fait pour des raisons humanitaires. En effet, un membre de la RAF venait de mourir en prison après une grève de la faim, et Sartre voulait dénoncer le traitement réservé à ces prisonniers politiques. À son retour, il affirme que les conditions de vie dans la prison de Baader sont « intolérables ». Il appelle aussi les intellectuels européens à se mobiliser pour les droits de ces détenus. Ce dernier grand engagement de Sartre a divisé l'opinion, mais il montre que jusqu'au bout Sartre est resté fidèle à sa volonté de défendre la liberté et la dignité humaine.

 

Jean-Paul Sartre s'éteint en avril 1980, à l'âge de 74 ans. Lors de son enterrement à Paris, une foule immense accompagne son cercueil : près de 50 000 personnes étaient présentes, notamment de nombreux jeunes, venus rendre hommage à cet homme qui avait tant inspiré la jeunesse par ses écrits et ses prises de position. Simone de Beauvoir, son « alter ego », était à ses côtés jusqu'au bout. Elle écrira plus tard que l'enterrement de Sartre ressemblait à la « dernière manifestation de Mai 68 » tant il y avait du monde dans la rue pour lui dire adieu. Sartre repose aujourd'hui au cimetière du Montparnasse à Paris, dans la même tombe que Simone de Beauvoir.

 

Malgré les controverses et les polémiques qu'il a pu susciter, Jean-Paul Sartre demeure une figure majeure de la culture française. Son œuvre est étudiée dans le monde entier et ses idées continuent de faire réfléchir sur la liberté, la responsabilité et le sens de la condition humaine. Pour de nombreux lycéens et étudiants d'hier et d'aujourd'hui, découvrir Sartre, c'est découvrir un penseur qui les encourage à penser par eux-mêmes et à ne pas avoir peur de s'engager pour changer le monde.

 

 

Écouter la biographie

Quiz sur Jean-Paul Sartre

Testez vos connaissances sur la vie et l'œuvre de Jean-Paul Sartre

1. Pourquoi Sartre a-t-il refusé le prix Nobel de littérature en 1964 ?

2. Quelle est la date de naissance de Jean-Paul Sartre ?

3. Quel est le titre du premier roman de Sartre publié en 1938 ?

4. Quelle phrase célèbre provient de la pièce Huis Clos ?

5. Quel concept philosophique Sartre illustre-t-il par la phrase « l'existence précède l'essence » ?

6. Qui était la compagne de Jean-Paul Sartre ?

7. Quelle cause Sartre a-t-il soutenue dans les années 1950 ?

8. Quelle œuvre témoigne de l'intérêt de Sartre pour le marxisme ?

9. Que fait Sartre lors des manifestations de Mai 1968 ?

10. Quelle phrase célèbre le président de Gaulle a-t-il prononcée à propos de Sartre ?

11. À qui Sartre a-t-il rendu visite en prison en 1974 ?

12. Combien de personnes environ étaient présentes à l'enterrement de Sartre ?